Joël Ceccaldi, docteur en médecine et en philosophie pratique
Qu’est-ce qu’immuniser ? C’est rendre réfractaire à l’effet mortel de certains germes. C’est protéger contre des maux juridiques susceptibles de menacer certaines catégories de personnes comme les religieux, les parlementaires ou les diplomates.
Qu’est-ce qui jusqu’à présent a contribué à immuniser notre corps social contre l’élimination prématurée de ses membres ? La loi : pour ne pas tuer, sauf en état de légitime défense ; pour assister toute personne en danger ; et plus récemment, pour abolir la peine de mort.
Qu’entrainera — comme le montre l’expérience de tous les pays qui nous ont précédés dans cette voie — l’édiction d’une loi pour l’aide à mourir ? La contamination de notre corps social, dont l’immunité contre la disparition trop précoce de ses membres sera levée.
Dans cette perspective, ne pas mettre les soins palliatifs dans le même sac légal que le suicide assisté et l’euthanasie — comme cela a été sagement décidé — limite leur mise à sac et leur évite l’effet contagieux de la loi nouvelle. Quant au délit d’entrave à l’aide à mourir que cette dernière pourrait receler, qui résistera à l’effet dissuasif de cette menace juridique en prenant le risque de proposer une approche palliative à quelqu’un exprimant le souhait d’en finir avec sa vie estimée invivable ? S’en tenir au vote de la loi sur les soins palliatifs, se donner les moyens de l’appliquer sur le terrain et prendre le temps d’en évaluer l’impact sur la vie de celles et ceux qui vont mourir, voilà qui renforcerait notre immunité. Mais avec un texte neuf pour celles et ceux qui veulent mourir — aussi verrouillé soit-il au départ — ne franchit-on pas un point de non-retour en exposant délibérément notre corps social à sa contamination par le chacun-pour-soi d’une autonomie sans solidarité, ou par une autonomie comme droit pour les uns et devoir pour les